Disonible en

Harold López-Nussa
“El Viaje”

“El Viaje” (le voyage), le morceau éponyme de l’album du pianiste et compositeur cubain Harold López-Nussa et qui marque ses débuts sur le label Mack Avenue, donne l’impression de se balancer doucement comme un bateau sur l’eau — comme s’il allait entamer un voyage ou au contraire, était de retour au port — la trompette et la voix chuchotant des souvenirs. Cette scène décrit avec justesse les voyages internationaux de López-Nussa, ponctués par ses retours vers sa ville natale de la Havane à Cuba. Ce voyage du corps et de l’esprit l’a mené simultanément à une exploration musicale de divers genres et idées, tout en restant fidèle à ses racines.

« El Viaje » nous présente le trio d’Harold López-Nussa avec son jeune frère Adrián Ruy López-Nussa à la batterie et aux percussions et le Sénégalais Alune Wade à la basse et au chant. Ce trio est augmenté sur certains titres avec des invités, dont le père d’Harold : Francisco Ruy López-Nussa à la batterie, Mayquel González à la trompette et au bugle et Dreiser Durruthy et Adel González aux percussions.

López-Nussa, qui a collaboré avec Wade sur l’album Havana-Paris-Dakar en 2015, nous fait remarquer : « avoir un musicien qui ne soit pas de Cuba sur cet enregistrement parle de notre rapport avec les autres cultures. Particulièrement avec la culture africaine, qui est si loin de la nôtre géographiquement et pourtant si proche. Chaque fois que nous jouons, il me semble que nous entamons un voyage que nous créons sur le moment » dit-il depuis son domicile à la Havane. « Depuis tout petit, quand j’ai commencé à étudier le piano, la musique, c’est ce que j’ai essayé de faire : rechercher ce voyage de l’esprit, grâce à la musique. Je me souviens que j’ai commencé à jouer « El Viaje » en tournée afin de me sentir plus proche de la maison ; de même, quand je suis chez moi, c’est un moyen pour mon esprit de voyager. » Les autres compositions de l’album parlent de différents lieux et du passé ? « Me voy pa’ Cuba » (« Je vais à Cuba »), « Inspiración en Connecticut » (« Inspiration dans le Connecticut »), « Oriente », « Africa » et le standard de Chucho Valdés « Bacalao Con Pan ». Dans l’ensemble, la musique est musclée, élégante, familière et rafraîchissante, enracinée dans la tradition cubaine bien qu’imprégnée par différents accents.

Dans « Feria (Fair)”, le son de ce que pourrait être une partie de danse d’un quartier cubain prend un groove africain avant de devenir une histoire New Yorkaise avec des réminiscences de « Evidence » de Thelonious Monk. « Lobo’s cha, » un boléro avec un soupçon de mélancolie parisienne, devient presque imperceptiblement un cha-cha-cha moderne. Il n’y a aucune gymnastique instrumentale, pas de solo qui en met plein la vue ici, juste la clarté et la direction que prend la musique, ainsi que la brillance du jeu. Alors même que López-Nussa apporte ses expériences d’ailleurs à la maison, la Havane n’est jamais simplement une toile de fond. L’enregistrement s’est fait à la Havane. Pour lui, la ville, ses sons et ses habitants sont un point de départ — et de retour.
« J’ai toujours aimé l’idée de me projeter dans le monde à partir d’ici, » dit-il. « Les liens personnels sont très forts pour moi. Et j’en ai beaucoup avec ce pays. Je veux que ce soit mon lieu de création — même si je peux avoir ces grandes expériences de voyage. Le domaine du privé est essentiel dans mon processus de création. Pouvoir sortir dans le quartier où j’ai grandi, un endroit que je connais si bien, marcher sur le Malecón, assis au bord de la mer. C’est là où je veux être. »

A propos d’Harold Lopez Nussa

López-Nussa a exploré avec facilité les mondes de la musique classique, populaire et le jazz. Un coup d’œil rapide à ses expériences nous montre la diversité de ses collaborations : un enregistrement de Heitor Villa-Lobos ́ « Fourth Piano Concerto » (2003), avec le National Symphony Orchestra de Cuba, l’obtention du premier prix et du prix du public au concours de Piano Solo Jazz du Montreux Jazz Festival en Suisse, en 2005. Il a fait partie de projets aussi variés que Ninety Miles (un enregistrement avec David Sánchez, Christian Scott et Stefon Harris) et Esencial (un album de compositions du vénéré guitariste classique cubain, compositeur et chef d’orchestre Leo Brouwer), les deux en 2011.
En ce qui concerne la musique populaire et sa formation sur le terrain, il faisait partie des projets tels que le Cuba volume of Rhythms del Mundo, qui l’a associé avec les vétérans du Buena Vista Social Club et il a passé trois ans dans le groupe de la chanteuse Omara Portuondo, une opportunité qu’il qualifie de « bénédiction ». Il a distillé toutes ces expériences non seulement dans un style riche, personnel, en tant que compositeur et musicien, mais tout cela a inspiré l’attitude de López-Nussa à rendre sa création attrayante et à partager sa musique.